10 juillet 2025 | Finance & Stratégie d’entreprise
La holding familiale des Soufflet a procédé à une augmentation de capital spectaculaire de 271 millions d’euros en avril 2025, portant ses fonds propres à 277,6 millions d’euros. Cette opération monumentale intervient quatre ans après la cession du groupe agroalimentaire Soufflet à InVivo pour 2,3 milliards d’euros, marquant la transformation définitive de cette structure en véhicule d’investissement patrimonial. Désormais dirigée par Jean-Michel Soufflet depuis le décès du fondateur Michel Soufflet en septembre 2024, l’entreprise basée à Gouvieux dans l’Oise développe une stratégie de diversification ambitieuse, notamment dans l’immobilier avec un investissement de 30 millions d’euros dans le groupe REALITES.
Une recapitalisation historique aux objectifs multiples
L’augmentation de capital du 15 avril 2025 représente une multiplication par 43 du capital social de Financière du Nogentais, passant de 6,4 à 277,6 millions d’euros. Cette injection massive de liquidités, décidée par l’associé unique Jean-Michel Soufflet, vise à doter la holding des moyens nécessaires à sa nouvelle stratégie d’investissement post-cession. L’opération s’inscrit dans une logique de restructuration patrimoniale globale de la famille Soufflet, quatre ans après avoir cédé leur empire agroalimentaire centenaire au géant coopératif InVivo.
Cette recapitalisation intervient également dans un contexte de transmission générationnelle accélérée par le décès de Michel Soufflet à 94 ans. Le patriarche, qui avait transformé le petit commerce de grains familial en leader européen de la malterie avec 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, venait encore au bureau jusqu’à deux jours avant sa disparition. Son fils unique Jean-Michel, âgé de 67 ans et aux commandes depuis 2010, orchestre désormais seul la mutation de cette holding vers de nouveaux horizons d’investissement.
L’immobilier responsable comme nouveau terrain de jeu
La stratégie de diversification s’est concrétisée dès juillet 2022 avec l’entrée au capital de REALITES, développeur territorial coté spécialisé dans l’immobilier responsable. Financière du Nogentais a investi 30 millions d’euros sur les 35 millions levés, acquérant les titres à 45 euros l’action, soit une prime de 30% sur le cours de bourse. Cette participation significative, qui s’accompagne d’un siège au conseil d’administration, illustre la volonté de la famille Soufflet de réorienter son patrimoine vers des secteurs porteurs et alignés avec les enjeux ESG.
L’investissement dans REALITES, entreprise à mission visant 800 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2025, marque une rupture avec l’ADN agroalimentaire historique de la famille. Cette diversification apparaît d’autant plus nécessaire que les derniers comptes publiés de la holding en 2021 affichaient un résultat net déficitaire de 4,5 millions d’euros pour un chiffre d’affaires de 7,3 millions, traduisant les difficultés de transition post-cession.
Un héritage industriel transformé en machine d’investissement
La métamorphose de Financière du Nogentais reflète l’évolution spectaculaire du patrimoine familial Soufflet. De holding opérationnelle gérant les participations du groupe agroalimentaire, elle est devenue un véhicule d’investissement pur depuis la cession à InVivo finalisée en décembre 2021. Cette transaction, valorisant l’ensemble Soufflet à environ 2,3 milliards d’euros, a permis à la famille de monétiser 65 ans de développement industriel initié par Michel Soufflet en 1957.
Le transfert du siège social de Saint-Nicolas-la-Chapelle dans l’Aube vers Gouvieux dans l’Oise en mars 2023 symbolise cette nouvelle ère. Avec seulement 3 à 5 salariés, la structure légère pilote désormais un portefeuille d’actifs diversifiés incluant des participations immobilières via la SCI du Nogentais et des intérêts agricoles à travers le GFA de la Chapelle Godefroy. L’entreprise a également procédé à des arbitrages, se désengageant notamment de SUCASTAR en juin 2024.
Des défis de taille pour pérenniser la fortune familiale
La gestion d’un patrimoine considérablement accru pose de nouveaux défis à Jean-Michel Soufflet, diplômé de l’ISC Paris et du CPA de Jouy-en-Josas. Au-delà de l’optimisation fiscale des plus-values de cession et de la diversification des investissements, se pose la question de la transmission à la génération suivante. À 67 ans, l’actuel président doit préparer la succession d’une fortune familiale estimée à plus d’un milliard d’euros, tout en préservant l’unité actionnariale qui a fait la force du groupe Soufflet.
L’intégration réussie du groupe Soufflet au sein d’InVivo, créant un champion européen de 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires, offre un cadre favorable à cette transition patrimoniale. Les accords de cession ont préservé l’identité Soufflet et maintenu l’ancrage nogentais des activités, permettant à la famille de tourner la page industrielle sans renier son héritage. Cette approche équilibrée entre rupture stratégique et continuité mémorielle pourrait inspirer d’autres dynasties entrepreneuriales françaises confrontées aux enjeux de transmission.